La gestion des talents à l’épreuve des maladresses !

En échangeant avec un ami l’autre jour, il me faisait remarquer que mes propos concernant la gestion des talents témoignaient d’une belle intention mais qu’ils n’étaient pas forcément réalistes. Hier, en réunion avec des collègues, ils me faisaient à leur tour remarquer que ma vision du management participatif, souvent appelé management 2.0, n’était pas tout à fait partagée par l’entreprise du CAC40 que nous allions rencontrer.

La question du jour est donc la suivante : sommes-nous en train de rêver lorsque l’on dresse le tableau d’une démarche réussie de gestion des talents ?

Oui

Dès que l’on est plus de 100, on ne connaît plus tout le monde aussi bien que lorsque l’on travaille au sein d’un une start-up de 10 personnes. La gestion des talents commence par aider l’entreprise à mieux connaître les collaborateurs, à identifier leurs attentes, leurs aspirations, leurs talents, leurs compétences, etc. Mais dans cette quête d’identification, on peut se heurter à un certain nombre d’obstacles :

  • On a envie mais on ne sait pas comment faire. L’acquisition d’un SIRH ne provoque pas miraculeusement l’apparition d’une politique RH. Si un outil peut aider à la manoeuvre, l’entreprise doit définir une politique RH et les processus associés. La réalisation d’entretiens annuels d’évaluation fait partie de ces processus. Je suis souvent étonné de voir à quel point les managers peuvent être démunis face aux collaborateurs lorsqu’il s’agit de réaliser leurs entretiens : difficulté à définir des objectifs, à les aider à accoucher de leurs attentes, à évaluer leurs compétences. Cela ne remet pas en cause la bonne volonté des managers, mais force est de constater que l’envie ne suffit pas. Trop peu d’entreprises prennent le temps de former les évaluateurs à ce délicat exercice. La raison première est souvent l’impossibilité de suspendre l’activité des managers durant une demi-journée ou une journée. Cela coûte trop cher aux PME, et c’est très compliqué à organiser pour les grandes entreprises
  • On sait comment faire mais on n’a pas envie. Remplir un profil en ligne n’est pas compliqué, et tous les collaborateurs sont en mesure de le faire. Encore faut-il qu’ils en aient envie. Beaucoup d’entre eux se disent : « Ca ne sert à rien, ce sont toujours les mêmes qui sont sollicités », ou « De toute façon, les postes qui m’intéressent sont déjà pris… », etc. Cela signifie qu’une démarche de gestion des talents doit s’accompagner d’une communication claire à destination des collaborateurs et des managers expliquant ce que la RH va faire de ces différents éléments. Sans quoi il y a fort à parier que les uns et les autres ne feront pas grand usage d’un quelconque outil
  • On a envie et on sait comment faire, mais l’organisation ne répond pas. Pour tirer profit des informations fournies par les collaborateurs ou recueillies lors d’évènements RH, il faut que l’organisation le permette. Par organisation j’entends ici aussi bien la capacité à traiter et analyser les informations en question que le fait que les managers et RH soient à l’écoute des collaborateurs, qu’ils aient les moyens de répondre à leurs attentes, qu’ils disposent des bons outils, etc. Cela est loin d’être évident.
  • On a envie, on sait comment faire, l’organisation est là, mais… Mais on commet des maladresses ! Il m’est personnellement arrivé de vexer un collaborateur lors d’un entretien annuel d’évaluation en pensant lui faire un compliment. On peut reporter deux fois un rendez-vous à caus ae d’une surcharge de travail sans expliquer suffisamment au collaborateur les raisons de ces reports. Il est alors facile pour celui-ci de penser que son cas n’intéresse pas le manager…. Le collaborateur peut exprimer des attentes dans son profil en ligne que le manager interprétera comme une volonté du collaborateur de ne plus travailler avec lui, alors qu’il s’agit simplement d’explorer d’autres horizons.On sait tous qu’on n’est jamais à l’abri d’un malentendu, d’un écart entre ses propos et sa pensée, etc. Bref, avec les meilleurs intentions du monde, il est difficile d’exécuter sans faux-pas un processus RH tel que l’identification des talents, même si celui-ci est bien défini, bien compris, accepté.

On se rend compte en parcourant ces quelques lignes qu’une démarche de gestion des talents réussie résulte d’une alchimie délicate d’un grand nombre d’éléments ! Une telle démarche n’a donc rien de trivial…

Non

Ce n’est pas parce qu’il faut réunir un grand nombre d’éléments pour réussir une démarche de gestion des talents que c’est impossible à faire ou que c’est utopique ! Il faut simplement prendre conscience qu’il n’y a rien d’évident à bien gérer les talents de son entreprise. Un certain nombre d’éléments favorisent aujourd’hui les transformations propices à la gestion des talents :

  • La gestion des talents est une évidence. Nul doute que les entreprises ont aujourd’hui compris à quel point les collaborateurs étaient les derniers bastions permettant de faire la différence avec leurs concurrents. Savoir recruter les meilleurs, les identifier, les développer, les fidéliser, est donc une préoccupation partagée à la fois par les RH et par la direction générale. De très nombreux projets ont été réalisés et constituent autant de retours d’expérience que peuvent utiliser ceux qui souhaitent s’y mettre. Par exemple, on sait maintenant avec le recul qu’il est inutile de vouloir réaliser 3 projets sur 3 processus RH différents en même temps. Autant lotir ses projets et obtenir un succès à chaque étape.
  • La RH dispose aujourd’hui d’outils dédiés. Il y a encore 5 ans, lorsque l’on évoquait l’informatisation des entretiens annuels d’évaluation, les RH étaient les premiers à nous rétorquer que ce ne serait ni accepté par les collaborateurs, ni par les managers, et encore moins par les partenaires sociaux. Aujourd’hui la question ne se pose quasiment plus. Si un outil ne fait pas une politique RH, il contribue largement à la mettre en oeuvre. En facilitant l’exécution des processus, les RH peuvent être plus réactifs et donner ainsi confiance aux collaborateurs en leur capacité à traiter leurs demandes.
  • Les médias sociaux aident à la manoeuvre. En positionnant les collaborateurs en tant que principaux contributeurs, les médias sociaux tels que les blogs, les réseaux sociaux, les wikis, leur fournissent de nombreux moyens de se faire connaître et de s’exprimer. La beauté de la chose est qu’exceptionnellement les RH n’ont pas à lutter pour tenter d’imposer un outil, ce sont les collaborateurs eux-mêmes qui amènent ces outils dans l’entreprise.
  • Le management évolue. L’avènement des TIC, des SIRH, des médias sociaux ont eu pour effet d’aplatir l’organisation et de donner davantage de responsabilités aux collaborateurs. Le rôle des managers évolue pour répondre à cette tendance. Ils se présentent davantage comme des coachs/facilitateurs plutôt que comme des contrôleurs/décideurs. Là encore, quoi que l’on en pense, c’est un phénomène qui est en train de se produire. L’enjeu est donc de savoir répondre à cette évolution plutôt que d’essayer de lutter contre.
  • On a le droit de se tromper, et de s’excuser…. Bien sûr que l’on commettra toujours des maladresses, que l’on générera toujours des malentendus, qu’il y aura des loupés malgré les meilleures intentions du monde. Mais rien n’empêche de s’excuser auprès des personnes que l’on a heurtées et d’essayer de rattraper le tir. Pas la peine de se lancer dans la gestion des talents en poursuivant une quête hors d’atteinte de perfection. Il faut accepter de se tromper, et ne pas se servir de cette appréhension pour ne rien faire.

Alors oui, la gestion des talents résulte d’un équilibre délicat, mais la tendance économique, technologique, managériale est plutôt favorable à ce type de démarche. Alors autant surfer sur la vague et accepter d’apprendre en marchant, au rythme qui convient à l’entreprise, avec les moyens du bord 😉