Le reporting 2.0, miracle ou mirage ?

On parle très souvent d’entreprise 2.0, d’outils 2.0, de RH 2.0, mais quid du reporting au milieu de tout ça ? Le reporting est l’outil managérial des uns, et le cauchemar des autres. Si l’entreprise se transforme, adopte une culture plus collaborative, offre à chaque collaborateur davantage de responsabilités, comment le manager peut-il quand même s’assurer que les tâches en cours au sein de son équipe seront correctement exécutées ? Pas forcément pour assouvir une quelconque soif de pouvoir ou exercer son autorité, mais parfois simplement pour aider, pour arbitrer, et ainsi augmenter les chances de réussite d’un projet. Autrement dit, que devient le reporting dans un environnement 2.0 ?

D’un côté, on a l’adage bien connu : « la confiance n’exclut pas le contrôle » ! De l’autre, on a des collaborateurs qui demandent à être développés, aidés, accompagnés, mais pas contrôlés, car ils y voient un manque de confiance ou une forme d’ingérence dans leur travail. Au lieu de commettre l’erreur – récurrente – de penser immédiatement en termes de solution, je crois qu’il faut aborder la question du reporting de la façon suivante :

Les managers doivent toujours rendre des comptes à des clients

Concrètement, qu’il s’agisse d’un manager ayant deux personnes dans son équipe ou du patron de la boîte, tout le monde doit prendre des engagements vis-à-vis de clients, internes ou externes, et leur rendre des comptes. Pour tenir ces engagements, le manager doit s’appuyer sur les membres de son équipe et coordonner l’action de celle-ci. Le client demandant régulièrement à avoir des informations sur la tenue des engagements, le manager a deux options :

  • Rassurer le client sans disposer d’informations particulières en se disant que si ses collaborateurs ne lèvent pas d’alertes, c’est que tout va bien, et qu’il vaut mieux les laisser travailler plutôt que de leur faire perdre du temps à produire des états de reporting,
  • Cascader l’attente du client vers les collaborateurs et leur demander un état d’avancement précis sur les travaux en cours afin de pouvoir donner le maximum d’informations au client : sur le réalisé, sur le reste à faire, sur les risques de dérive, etc.

En fait, aucune des options n’est satisfaisante. La première met clairement en évidence la confiance que le manager porte à ses collaborateurs, ce qu’ils sauront apprécier. Mais dans la mesure où le manager n’a aucune idée de ce qui est réalisé au sein de sa propre équipe, il est dans l’incapacité de lui apporter le moindre support et de lui fournir le moindre conseil.

La deuxième option crée un véritable paradoxe. Les états de reporting évoqués permettent de sécuriser le client… et le manager. Mais bien souvent, ces états de reporting n’aident en rien l’équipe à réaliser le projet, et lui font finalement perdre plus de temps qu’autre chose. L’effort visant à sécuriser le client réduit ainsi le temps à consacrer au projet. En simple, on augmente le risque pesant sur le projet pour répondre à un besoin de sécurisation ! 

La meilleure solution est probablement quelque part entre ces deux options. S’il est impossible de « naviguer à vue », il est également impossible de faire peser un risque inutile sur la bonne exécution des travaux par habitude managériale ou pour un besoin psychologique quelconque. L’enjeu est donc de se situer de façon suffisamment précise sur l’avancement du projet afin de pouvoir agir quand cela est nécessaire, sans pour autant faire perdre de temps inutilement à l’équipe.

Cela se rapprocherait un peu d’un point GPS permettant de se localiser sur une carte, de savoir si l’on a parcouru beaucoup de chemin et s’il reste encore beaucoup de chemin à parcourir. Pas forcément besoin – pour le manager dialoguant avec le client – de savoir ce qui sera précisément fini ce soir et ce qui sera précisément commencé demain matin. Même si ces informations sont évidemment connues au sein de l’équipe….

Le bon outil de reporting résulte d’une co-construction

Pour répondre aux contraintes des clients, des managers et des collaborateurs, il est nécessaire d’initier une démarche de co-construction des outils de reporting à utiliser sur un projet. Du fait qu’il s’agisse d’une démarche collaborative, on peut raisonnablement utiliser le terme de « reporting 2.0 » !

Pour bâtir ce reporting 2.0, la question à poser au client est la suivante : de quelles informations avez-vous besoin concernant l’avancement du projet par rapport à vos contraintes internes ? S’il y a du retard de pris sur le projet ? S’il y a des modifications par rapport au cahier des charges initial ? Si sa réalisation coûte finalement plus chère que prévue ? Et tous les combien de temps souhaitez-vous que je vous fournisse ces informations ? Tous les jours, toutes les semaines, … ?

La question à poser au manager est la même qu’à celle du client : de quelles infos as-tu besoin pour répondre à tes contraintes internes ? On se rend compte que très souvent les informations attendues par le manager sont les mêmes que celles attendues par son propre client, qu’il s’agisse d’un client interne ou externe ! Le manager fait alors office de « passeur », mais n’apporte pas de véritable valeur ajoutée sur le projet. Les informations dont a besoin le manager sont en fait celles qui lui permettent d’ajouter de la valeur sur le projet, en lui permettant d’agir ou de prendre une décision, mais également celles qui lui permettent de donner une visibilité suffisante à son client.

Enfin, la question à poser aux collaborateurs est la suivante : de quelles informations avez-vous besoin pour réussir votre mission ? Et c’est bien la seule question qui importe puisque l’on ne demande finalement aux collaborateurs qu’une seule chose : qu’ils réussissent ce qu’ils entreprennent dans l’environnement qui est le leur !

Le bon outil de reporting est celui qui répond aux différents besoins des parties prenantes du projet. Pour se donner le maximum de chances de réussite sur un projet, il est nécessaire de sortir de cette liste de besoins tout ce qui ressemble de près ou de loin à une envie excessive de se rassurer, à des contraintes politiques, à des habitudes managériales sans fondement véritable, etc.

Est-ce possible ? Est-ce réaliste ? La réponse dépend des chances que l’on souhaite se donner de tenir nos engagements ! Si l’intégralité des énergies est consacrée à la réalisation du projet plutôt qu’à son explication de texte, nul doute que le projet aura le maximum de chances de réussir. CQFD 😉