La « société fluide » de Joel de Rosnay, ou la société 2.0 ?

Joel de Rosnay est l’un des plus brillants spécialistes en systémique et en prospective. Mais c’est également un spécialiste de surf. Il vient de publier un très bon ouvrage intitulé « Surfer la vie – Comment sur-vivre dans une société fluide ». Il effectue de nombreux parallèles entre la meilleure façon d’évoluer dans la société actuelle et la pratique du surf (comme l’avait fait Frédéric Lapras sur ce blog), d’où le titre. La société qu’il décrit est très proche de ce que l’on appellerait une « société 2.0 », ce qui montre une nouvelle fois que le 2.0 est loin de n’être qu’une problématique d’outils. Voici quelques extraits et idées clés que je souhaitais partager avec vous.

Passer des rapports de force aux rapports de flux

La vision scientifique des relations, des interactions, des flux et de la décentralisation des éléments constitutifs du monde n’est pas intégrée à notre vision de la société, ni à nos modes d’action et de gestion de sa complexité. Nous continuons à recourir à des structures rappelant la géométrie classique, telles que la surface et le territoire, à des organisations de nature pyramidale, et à agir de manière systématique et linéaire : une chose après l’autre. (…) Il nous faut donc promouvoir ce que j’appelle la « société fluide ». Une société qui se fonde sur des rapports de flux et pas seulement sur des rapports de force.

Les sciences ont ceci d’intéressantes qu’elles nous permettent de comprendre les lois qui régissent le monde. Joel de Rosnay constate que ces lois sont peu intégrées à notre société, et à fortiori à l’entreprise. Je pense que l’essor extraordinaire du « 2.0 », notion un peu fourre-tout s’appliquant à tout ce qui se veut plus collaboratif, conversationnel, communautaire (qu’il s’agisse de l’entreprise, d’un outil ou d’une fonction), témoigne de cette volonté d’aller vers une société fluide ! Une société valorisant l’organisation en réseau plutôt que l’organisation en silo, le manager/développeur plutôt que le manager/contrôleur, l’exemplarité sur l’autorité, etc.

Le Web 2.0, les médias sociaux et le Cloud computing ont largement influé la société, nos comportements et habitudes de la vie de tous les jours, en nous offrant toujours plus de services. La transformation est en cours au sein des entreprises, même si celle-ci va durer plusieurs années.

La résolution de problèmes passe plus que jamais par le collectif

Les connections avec les autres, le partage de solutions pour résoudre des problèmes et l’évaluation commune des résultats peuvent conduire à une forme d’intelligence collective, mise en oeuvre et utilisée dans de nombreuses applications de management des connaissances, telle l’externalisation ouverte – en anglais, crowdsourcing. 

Dans l’environnement complexe, global et incertain qui est le nôtre, les problèmes qui surviennent sont rarement identiques aux précédents et sont souvent très inattendus. Dans ce cadre, leur résolution nécessite des compétences de plus en plus transverses qu’une personne ne peut exhaustivement détenir. La encore, les médias sociaux favorisent le développement de l’intelligence collective des organisations en leur permettant de connecter les bonnes personnes au bon moment. Cela n’est vrai qu’à la condition que les médias sociaux soient corrélés aux processus et aux objectifs business de l’organisation, et ne servent pas uniquement à mettre les salariés en relation dans l’espoir qu’ils se connaissent un peu mieux.

Les processus d’apprentissage ont changé

Les netkids regrettent que les outils Internet auxquels ils sont accoutumés aient rarement droit de cité dans les entreprises qui les emploient, de même que l’accès à des informations partagées par la communauté et qui peuvent avoir une réelle utilité, en particulier pour la veille technologique. (…) Les processus de transmission des connaissances est analytique et linéaire, alors que cette génération est habituée à l’approche multidimensionnelle, transversale et co-éducative des réseaux. 

En résumé, l’informel prime aujourd’hui sur le formel, y compris sur les processus d’apprentissage. C’est ce que montre la théorie de Jennings du 70:20:10. Une fois encore, en craignant les impacts des évolutions technologiques et sociétales sur son bon fonctionnement, l’entreprise contraint bon nombre de collaborateurs à modifier leurs habitudes, ce qui peut nuire à leur productivité et leur satisfaction. Il est aujourd’hui clé de prendre en compte ces attentes, habitudes, us-et-coutumes afin de conduire le changement nécessaire au sein de l’entreprise pour les intégrer.

Ces trois thèmes sont d’ailleurs au centre de mon prochain livre, à paraître en octobre 😉 En attendant, n’hésitez pas à vous procurer celui de Joel de Rosnay.