Performance Management ou Development Management ?

Un récent article a recueilli le point de vue de Karie Willyerd, vice-présidente de SuccessFactors, traitant de l’avenir des DRH. J’étais globalement assez d’accord avec ce qui était dit dans l’article puisqu’il y est question du rôle de plus en plus stratégique  des RH et de l’impact des médias sociaux sur l’organisation du travail (thèmes centraux des nouveaux Horizons RH).

Mais au détour d’une phrase nichée dans l’article, je me suis rappelé à quel point il existait deux approches radicalement différentes autour de la notion de Talent Management. Karie Willyerd explique ceci : « Il va vite devenir évident que les individus les moins performants de l’entreprise sont ceux aussi ceux qui ont le moins de followers et d’interactions avec leurs collègues »Je ne partage évidemment absolument pas ce point de vue…

En étant un peu manichéen, on pourrait dire ceci : il existe une approche du Talent Management que l’on pourrait assimiler au Performance Management, consistant à identifier les perfomers, c’est-à-dire les personnes atteignant et dépassant leurs objectifs, et à les valoriser en conséquence. Dans cette approche, le management s’effectue essentiellement par les objectifs. Inutile de préciser que peu de temps et d’énergie seront consacrés aux personnes en difficulté à un instant donné dans l’entreprise.

L’écueil principal de cette approche est de faire de la mesure de l’atteinte des objectifs une finalité plutôt qu’un indicateur, et de tenter de tout ramener à des objectifs quantifiables. Dans ce cadre, exister sur les médias sociaux devient un nouvel outil de mesure de la performance, du fait du succès extraordinaire qu’ils rencontrent et des possibilités de business qu’ils génèrent. On pourrait alors imaginer dans quelques années des mécanismes de rémunération basés sur son Klout, sur son nombre de followers Twitter, sur le nombre d’articles relayés sur Linkedin, etc. Cela n’est pas un fantasme puisque certains éditeurs s’adonnent déjà à cet exercice pour le moins périlleux.

L’autre approche du Talent management vise moins à identifier les performers qu’à cerner le potentiel de chacun dans un domaine donné, et développer ce potentiel au maximum afin d’aider la personne à réussir et à s’épanouir dans son job. Il s’agit alors de Development management. Dans cette approche, la mesure d’atteinte des objectifs n’est pas une finalité mais un outil à disposition du manager, et des RH. C’est dans cette approche que distinguer différentes formes de talent (star, marathonien, haut potentiel) prend tout son sens.

Dans ce cadre, la présence sur les médias sociaux a une importance puisqu’elle permet d’exercer une influence sur son domaine d’expertise. L’entreprise a en effet tout intérêt à ce qu’un talent rayonne de tous ses feux sur son domaine afin de créer de nouvelles opportunités, de nouveaux réseaux, d’attirer d’autres talents, etc. Un récent article mettait d’ailleurs en évidence que c’est de plus en plus son réseau que l’on vend et de moins en moins son diplôme.

Il ne me semble néanmoins pas raisonnable d’associer la notion de talent à une quelconque présence sur les réseaux sociaux, à moins de parler d’un talent de communicant. On imagine facilement tous les écueils associés : publier à tout va des contenus sans intérêts, « racoler » sur la twittosphère afin de cumuler les followers, devenir un curateur fou, … Sans compter qu’on peut avoir beaucoup de talent dans un domaine donné sans pour autant être très à l’aise avec ces nouveaux médias.

Plutôt que d’associer les notions de présence sur les médias sociaux et de performance, il me semble plus intéressant de méditer sur le rapport existant entre pouvoir et influence (cf. le très bon article de cet été du Harvard Business Review). A suivre… 😉