Et si nous pouvions vraiment changer le monde ? #SU #Day4

Ce qui est à la fois frappant et amusant lorsque vous séjournez dans la Silicon Valley est que vous croisez un nombre incroyable de personnes qui pensent sincèrement qu’ils vont changer le monde. Cela ne semble pas les choquer de tenir ces propos à quelques kilomètres de San Francisco qui est probablement l’une des villes comprenant le plus de sans-abris au mètre carré. On a envie de leur dire : vous ne voulez pas commencer par éradiquer la pauvreté à côté de chez vous ? Ce à quoi ils vous répondront sans problème par un argument suffisamment inspirant pour que vous en oubliez votre question.

Ceci étant dit, la conviction des gens de la vallée est sincère ! Même si de loin on a parfois l’impression que toutes ces entreprises servent davantage ceux qui les fondent que ceux qu’elles sont censées servir (lire à ce propos l’excellent livre de Michel Bauwens), les innovations proposées peuvent servir à résoudre de nombreux problèmes, y compris sociaux.

La résolution de problème était précisément le thème de cette quatrième journée. A ce titre, Pablos Holman, éminent inventeur, hacker et futurologue de son état, a présenté une vision éclairante de la manière dont on peut s’y prendre. Lisa Solomon a ensuite partagé quelques règles bienvenues concernant le design des services ou produits que l’on conçoit. Sachant que derrière ces présentations se nichent des conseils et bonnes pratiques permettant effectivement de résoudre des problèmes plus ou moins complexes, d’innover, voire potentiellement de disrupter un domaine tout entier. Voici quelques idées clés que j’ai retenues.

Planifier demande d’être (trop ?) intelligent

Pablos Holman a, en guise d’illustration, abordé les problèmes rencontrés par l’industrie du textile. Le problème majeur selon lui consiste à suffisamment bien prévoir ce que les gens voudront acheter, dans la bonne quantité, afin d’optimiser la gestion des stocks. Sachant qu’entre l’instant de cette prédiction et la mise en exécution, de longs mois s’écouleront.

Ce processus (qui peut s’appliquer à de très nombreuses autres industries) demande d’être soit très intelligent, soit très joueur…. Il s’agit en effet de parier sur ce que les gens voudront acheter dans deux ou trois saisons. Au-delà de l’intelligence requise pour s’adonner à ce type de prédictions, ce n’est selon lui plus utile !

C’est ainsi qu’il a créé un site de vêtements en ligne, Bombsheller, qui permet au consommateur de choisir le pantalon qu’il a envie d’acheter et de le recevoir dans les heures qui suivent. Pourquoi ? Parce qu’il a disrupté la chaîne de fabrication et qu’il peut imprimer les motifs et concevoir les pantalons au fur et à mesure, et les envoyer dans la foulée. Réduisant ainsi quelques mois en quelques heures. Fini les prédictions, fini la gestion des stocks. Problème réglé.

Bien sûr à la lecture de ces quelques lignes on se demande immédiatement : « Ok mais est-ce qu’il arrivera à produire en suffisamment grande quantité si son business décolle ? ». Il préconise fortement de faire les choses dans l’ordre suivant : d’abord on règle le problème, ensuite on passe à l’échelle (ou on scale comme on dit ici).

Il précise par ailleurs que le « comment » change » le « quoi » car il n’aurait probablement pas proposé ces produits en suivant la méthode de conception traditionnellement adoptée au sein de cette industrie. La question est donc la suivante : dans votre industrie, quel processus pouvez-vous changer drastiquement afin que les facteurs temps et prédictions n’entrent plus en jeu ?

Quand on n’a plus de réel problème, comment aider à régler celui des autres ?

Pablos Holman a ensuite expliqué à force de statistiques que les habitants de la Silicon Valley n’avaient plus vraiment de problèmes car ils avaient de l’argent, accès aux soins médicaux, etc. Et que leurs problèmes se résumaient essentiellement à des questions amoureuses où à savoir comment allonger la longévité de leur batterie d’iPhone.

L’enjeu est ainsi de mettre leurs compétences et leurs ressources au service de ceux qui connaissent de réelles difficultés. Lorsqu’il est alors question de s’attaquer à des problèmes de santé ou d’alimentation dans d’autres continents, l’un des obstacles rencontrés est de comprendre des problèmes que l’on ne rencontre pas, ou plus !

Comment imaginer les efforts requis pour avoir un peu d’eau quand nous gâchons abondamment celle-ci ? Comment imaginer la difficulté d’aller à l’école quand nos enfants s’évertuent à sécher les cours pour suivre la dernière compétition d’e-sports sur YouTube ?

Il est essentiel – et c’est bien un gars de la Silicon Valley qui le dit – de consacrer son énergie à inventer les outils de demain (type Internet ou Smartphone) qui permettront d’éradiquer les problèmes majeurs que connait notre planète plutôt que s’évertuer de façon opportuniste à devenir millionnaires avec des outils que d’autres ont déposé dans la boîte (type Facebook ou Snapchat).

Il faut donc approfondir sa connaissance des problèmes que l’on veut régler si l’on veut avoir une chance de le faire. Alors, à quel problème souhaitez-vous vous attaquer et comment allez-vous vous y prendre ?

Design = utilité fonctionnelle + engagement émotionnel

Vient ensuite Lisa Solomon expliquant de façon très illustrée et didactique, à partir de l’histoire d’Airbnb, que le design n’est pas uniquement l’apanage des beaux-arts mais concerne quiconque conçoit un produit ou un service destiné à être utilisé par autrui.

L’enjeu est d’aborder deux dimensions fondamentales de ce produit ou service : son utilité fonctionnelle, autrement dit, le service qu’il est censé rendre. Et l’engagement émotionnel qu’il provoque, soit ce que vous allez ressentir en vous en servant. Une conception réussie est ainsi une succession de choix qui permet d’obtenir les réponses ou usages attendus.

Lisa Salomon, à l’instar de Pablos Holman, insiste sur l’importance de tomber amoureux du problème afin d’en explorer les contours, son essence, ses racines, et ainsi permettre d’envisager dans un second temps les solutions appropriées. Parmi les quelques recettes qu’elle donne :

  • Réfléchir davantage à l’aide d’images et de visuels plutôt que du texte
  • Être le plus simple possible
  • Décrire son produit ou service à l’aide d’histoires plutôt que de spécifications fonctionnelles ou techniques
  • Expérimenter autant que possible
  • Accepter les doutes, les zones d’ombre et les incertitudes autour des usages

Il a finalement durant cette journée été largement question d’empathie, voire de compassion. Comprendre un problème est intéressant. Mais être suffisamment touché par ce problème pour avoir envie de mettre son énergie, son temps, ses talents à contribution pour y apporter une solution est nettement plus utile. Si l’on pouvait régler le problème qui nous tient le plus à coeur, le ferions-nous ? Bonne nouvelle, nous le pouvons sûrement ! Alors qu’attendons-nous ?